Suite des péripéties de la coopération franco-serbe

À l’origine, j’avais l’intention de monter Crave/Manque de Sarah Kane mais les gestionnaires des droits d’auteurs anglais m’ont, une fois de plus, refusé aux environs du 23 juin 2004, les droits de représentation de Crave/Manque.

Après cette nouvelle correction, la deuxième infligée par les ayants droits anglais de Sarah Kane, j’ai modifié le projet. J’ai choisi de poursuivre mon itinéraire franco serbe avec La Correction/Die Korrektur de Heiner Müller.

Cette pièce date de 1957. Les acteurs serbes avaient entre 25 et 35 ans et capitalisaient une expérience à travers des parcours atypiques. La guerre leur a pris dix ans de leur vie. Ils étaient plutôt des performeurs, danseurs ayant subi une variété d’influences diverses ; le buto, Grotowski, le rap, le hip hop, le happening. Ils n’avaient pas suivi ni reçu un enseignement de théâtre classique, s’étaient formés en participant à des actions spectaculaires anti-Milosevic entre théâtre de rue et performance. La Serbie se relevant à peine d’une guerre, les manques sont de tout ordre. Notre seule possibilité de communiquer était en anglais. Et en même temps il fallait produire Die KORREKTUR.

Pour jouer la vie d’un ouvrier, les acteurs ont enquêté en reconstituant leurs propres romans familiaux. Pendant les répétitions, nous avons essayé de tenir constamment (même en dehors du plateau de répétition) les rôles d’ouvrier, de contremaître pour nous familiariser avec les figures décrites par Heiner Müller et les conditions de vie dans ce camp de travail. La condition sociale d’un ouvrier en 1957 nous semblait lointaine d’un point de vue historique. Paradoxalement cette condition n’avait pas vraiment évolué. Bremer, incarne la figure tragique de l’individu qui toute sa vie s’était battu pour que la cause des ouvriers soient meilleurs et qui finalement se fait constamment roulé par l’histoire. Aujourd’hui, il y a la délocalisation. Ce sont des grands capitaux étrangers qui rachètent les usines suite à des OPA.

Quelle identité sociale l’ouvrier peut-il encore revendiquer alors qu’il devient de plus en plus mobile précaire flexible et que ses acquis sociaux se délitent?

Pendant une période de trois mois de mi-juin à fin septembre 2004, nous avons résidé au Centre Culturel de Novi Sad dans le cadre du LAB pour produire Die KORREKTUR et réaliser sa petite diffusion en Serbie.
Le 1er octobre 2004, les élections municipales en Serbie eurent lieu. La Serbie se radicalise à nouveau.
Sans commentaires.

Petit état des lieux
Bilan de la première étape de production en Serbie, suivi de la résidence strasbourgeoise à la Fabrique de théâtre 1 rue de Phalsbourg à Strasbourg et de la mini-résidence mulhousienne.
Il y eut une première mise en scène puis une seconde diamétralement opposée à la première. La première en Serbie a abouti à un jeu baroque particulièrement spectaculaire. La deuxième en France produite au TAPS, Pôle du spectacle vivant à Strasbourg était postmoderne.

La diffusion à la Filature de Mulhouse sera précédée par un laboratoire de trois semaines afin de préparer l’équipe serbe à ce qu’elle puisse diffuser DIE KORREKTUR de manière autonome chez eux dans une version serbe avec un dispositif léger. Le Human Teatar a imaginé qu’il serait opportun de mettre en œuvre un théâtre de résistance dans les cuisines.

J’aurais aimé poursuivre cette collaboration avec l’équipe serbe Je rêvais d’un autre ailleurs.

Strasbourg, le 27 janvier 2009 ©Pascale Spengler